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DECLARATION DU FOCODE n°008/2016 DU 19 Mai 2016

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Remy Matabura Flyer

 

« Les autorités burundaises doivent donner de la lumière sur la disparition forcée de Monsieur Rémy MATABURA introuvable depuis l’aube du 17 avril 2016 »

Dans le cadre de sa « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi », le FOCODE ne cesse de recevoir des messages évoquant des cas de personnes disparues après leur arrestation ou plutôt enlèvement par des agents des services de l’Etat burundais (Police, Armée, Service National de Renseignement). Le nombre impressionnant de cas encore sous analyse révèle l’ampleur inquiétante de ce phénomène qui, jusqu’ici, ne suscite aucune réaction des autorités burundaises.  Le cas présent concerne l’enlèvement suivi de la disparition de Monsieur Rémy MATABURA à l’aube du 17 avril 2016 à son domicile sis à la colline MUGOMERA en commune Mugamba de la province Bururi (Sud du Burundi).

A. Identité de la victime

  1. Fils de Jean BARENGAYABO et de Marie KAMIKAZI, Rémy MATABURA est né en 1970 sur la colline Mugomera, zone Vyuya de la commune Mugamba en province de Bururi. Marié et père de quatre enfants, chauffeur de profession mais sans emploi depuis quelques mois, Rémy MATABURA vivait sur sa colline natale avec sa famille (son épouse et ses enfants) et c’est là qu’il fut enlevé.

B. Appartenance politique de la victime.

  1. La famille et les voisins de Rémy MATABURA sont unanimes pour dire qu’il ne s’intéressait ni de près ni de loin à la politique. Il exerçait le métier de chauffeur et il n’avait pas d’emploi depuis quelques mois.
  2. Selon toujours les sources contactées par le FOCODE, Rémy MATABURA n’a jamais participé aux manifestations pacifiques contre le 3ème mandat de Pierre NKURUNZIZA.

C. Eléments du contexte

  1. D’après des informations recueillies auprès de sa famille et de ses proches, samedi le 16 avril 2016, Monsieur Rémy MATABURA était avec des amis dans un débit de boisson du petit centre de négoce de sa colline MUGOMERA quand deux personnes qu’aucun résident de la place n’a pu identifier sont arrivées. Ils ont commandé de la bière pour eux-mêmes et pour quelques-unes des gens qui se trouvaient là dont Rémy MATABURA.
  2. MAHEKE, un imbonerakure de la place, fils de MARERWA et de Spès MANIRAMBONA, voyant ces deux personnes « inconnues » appela l’administrateur de la commune M. Anicet NIYONZIMA et lui dit qu’il y avait à MUGOMERA deux personnes suspectes. Dans l’entre-temps, les deux hommes, qui ne se souciaient de rien parce que ne sachant pas que MAHEKE avait appelé l’administrateur pour les arrêter, ont pris une moto-taxi et sont partis pour MATANA.
  3. Quand l’administrateur arriva à la tombée de la nuit, Rémy MATABURA était déjà rentré chez-lui. Anicet NIYONZIMA, administrateur communal, ayant appris que les « deux inconnus » étaient partis pour le chef-lieu de la commune MATANA à deux kilomètres de MUGOMERA, décida de s’y rendre à leur recherche.

D. Enlèvement et disparition forcée de Rémy MATABURA.

  1. Dimanche 17 avril 2016 à l’aube, vers cinq heures du matin (GMT+2), des agents de la police à bord d’une camionnette double-cabine sans plaque d’immatriculation, guidés par l’imbonerakure MAHEKE, lui aussi en uniforme de la police, arrivent au domicile de Rémy MATABURA, foncent la porte et le prennent par force. Ils lui bandent les yeux et l’embarquent vers une destination inconnue.
  2. Deux choses que la famille et les voisins de Rémy MATABURA ont pu constater, c’est la présence de MAHEKE en uniforme de police et la direction qu’a pris la camionnette qui l’a emmené : direction Mugomera-Matana.
  3. Le rapport n°19 de SOS-Torture Burundi a évoqué, à la page 3, l’enlèvement de Remy MATABURA en ces termes :

« Deux hommes du nom de Rémy Matabura et Prosper Sinzinkayo ont été arrêtés très tôt le 17 avril 2016 à leurs domiciles sur la colline Mugomera, commune Mugamba, province Bururi (sud du pays). Les proches s’inquiètent car les hommes en tenue de la police et de l’armée qui les ont emmenés ne sont pas connus des habitants et se déplaçaient dans un véhicule sans plaque d’immatriculation. Ils ont pris la route menant à Matana mais les familles et proches ignorent leur lieu de détention et craignent pour leur sécurité. Ils dénoncent des arrestations arbitraires aux allures d’enlèvements.»[1]

E. Des efforts déployés pour retrouver le disparu.

  1. En date du 25 avril 2016, huit jours après la disparition de Rémy MATABURA, une réunion de sécurité a été organisée et a réuni les élus locaux de la zone VYUYA, les notables des collines et d’autres intervenants. Au cours de cette réunion, le cas de la disparition de MATABURA a pris une bonne partie des interventions. Les élus collinaires ont demandé à MAHEKE d’expliquer les mobiles qui ont motivé l’enlèvement de Rémy MATABURA, d’autant plus que MAHEKE a été vu en compagnie des policiers au domicile de la victime.
  2. MAHEKE a reconnu avoir guidé les policiers venus arrêter MATABURA. Sur la question de savoir de quoi MATABURA est accusé, MAHEKE a répondu que MATABURA est une « victime collatérale » (yaguye mu mporero). Cherchant à savoir l’identité des policiers qui ont arrêté MATABURA et le lieu où il serait détenu, MAHEKE n’a pas donné de réponse.
  3. Contacté par un proche de la famille, l’administrateur de la Commune Mugamba Anicet NIYONZIMA aurait affirmé connaitre le lieu de détention de Rémy MATABURA avant de revenir sur ces déclarations plus tard.
  4. Le gouverneur de la Province BURURI, quelques responsables du Service National de Renseignement (SNR) et le responsable de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH région sud) ont été approchés pour aider à retrouver Rémy MATABURA mais, jusqu’à ce jour, aucune trace n’a été indiquée. Pas même de demande de rançon comme on en a l’habitude pour de tels cas.

F. La famille s’inquiète et perd de plus en plus d’espoir

  1. Cela fait presqu’un mois que Rémy MATABURA a été enlevé. Son épouse, ses 4 enfants ainsi que les voisins qui ont assisté impuissants à son enlèvement les yeux bandés et son embarquement à bord d’un véhicule sans plaque d’immatriculation, perdent de plus en plus l’espoir de le retrouver vivant.
  2. La famille ne demande qu’une chose : être informé du sort de MATABURA, connaitre le lieu de sa détention s’il est encore en vie et avoir l’autorisation de lui rendre visite.
  3. La famille ne comprend toujours pas comment MAHEKE reste libre et qu’aucune enquête n’a été ouverte par le parquet de Bururi.

G. Prise de position et recommandations

D’emblée, il importe de souligner l’implication des agents et des organes de l’Etat dans l’arrestation et la disparition de Monsieur Rémy MATABURA : il a été arrêté par des policiers à bord d’un véhicule du SNR. L’administrateur communal de Mugamba, Anicet NIYONZIMA, est particulièrement impliqué dans cette affaire du fait de ses liens avec les miliciens Imbonerakure du CNDD-FDD dont le nommé MAHEKE.

  Face à cette situation, le FOCODE :

  1. Condamne sans réserves les enlèvements, arrestations illégales et arbitraires des citoyens du Burundi opérés par des forces de l’ordre en connivence avec les miliciens Imbonerakure et qui sont suivis par des détentions dans des lieux secrets non communiqués ni par des déclarations publiques ni aux membres des familles des détenus ;
  2. Condamne l’inaction complice de l’administration provinciale et du ministère public après avoir été informés de la disparition de Monsieur Rémy MATABURA ;
  3. Exige la dissolution pure et simple de la milice Imbonerakure du CNDD-FDD et la traduction en justice de ceux qui sont accusés de crimes et plus particulièrement le nommé MAHEKE pour son rôle joué et assumé dans la disparition de Rémy MATABURA ;
  4. Demande :
  • Aux autorités du Burundi de fermer tous les cachots non officiels et de communiquer régulièrement aux familles les lieux d’incarcération des personnes arrêtées ;
  • Aux mécanismes des Nations Unies travaillant sur les disparitions forcées de se saisir sans délais du dossier du Burundi vue la dimension catastrophique du phénomène ;
  • Aux Nations-Unies, à l’Union Africaine et à l’EAC d’envoyer rapidement au Burundi une commission internationale d’enquête sur les violations graves de droits de l’homme (y compris les disparitions forcées, les cas de viol et de torture ainsi que les exécutions extra-judiciaires) et une force de protection des citoyens ;
  1. Invite tous les résidents du Burundi et particulièrement les familles à lui communiquer les cas de disparitions des personnes arrêtées par des agents de l’Etat ou des groupes ayant des liens avec l’Etat ou encore des groupes armés. Ces informations seront envoyées à l’adresse email : [email protected] et au numéro WhatsApp : +257 79 910 446 utilisé par le Président du FOCODE.

Les cas de disparitions forcées déjà documentés sont publiés hebdomadairement par des déclarations et d’autres canaux de communication.

               Fait à Bujumbura, le 19 Mai 2016

                 Pour le FOCODE ;

     Sé Pacifique NININAHAZWE

                       Président

[1] http://www.fiacat.org/IMG/pdf/SOS_Torture_Burundi_numero_19.pdf


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